Coprin chevelu

La femme blonde est assise sur un muret. Son pantalon est relevé, découvrant des jambes violacées, épaisses, suintantes. Elle les tamponne avec un mouchoir en papier. On suppose qu’une tache de pus s’étale sur le papier gaufré du kleenex. Elle l’observe. Longuement. Ses yeux maquillés de noir sont mouillés. A côté d’elle, deux énormes valises de marque Delsey. La femme semble attendre un taxi qui ne viendra jamais. En bordure de la nationale 7, à Villejuif.
 Ses vêtements sont propres, achetés autrefois dans les plus belles boutiques.
Sa tête échevelée. Comme si les extrémités trahissaient le désarroi, le pourrissement de tout son corps. Tête et pieds d’abord. 
Une jeune africaine se penche sur elle. 
 »J’ai vécu dans le seizième arrondissement, rue…
 Le hurlement des moteurs couvre le reste de la conversation.
 Un homme les croise, sacoche en bandoulière. Il jette un coup d’oeil à sa montre.
 Le soleil cogne. Il n’est pourtant que neuf heures trente. 
L’homme pénètre dans une tour aux vitres fumées, matériaux qui trahit la présence d’un système de climatisation. 
L’africaine est partie. La femme blonde attend son improbable taxi. Avec une certaine classe. Avant l’inéluctable déliquescence que connait le coprin chevelu, ce champignon blanc immaculé finissant par se dissoudre en un goudron noirâtre.

Léo-Paul Richard
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